Lorsque Napoléon arrive le 16 août 1812 à Smolensk en Russie, le tsar confie à Koutouzov le commandement en chef de l’armée russe. Kutuzov retrace la stratégie du commandant qui mène à la première retraite et à la fuite de la Grande Armée commandée par le 1er Empereur Français.
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Historique et stratégique
Vladimir Petrov choisit pour Kutuzov de se focaliser sur le travail stratégique du personnage éponyme. En ce sens, la mise en scène est centrée sur l’armée, les liens entre les différents généraux, leurs politiques guerrières divergentes, et les rapports de l’armée russe à leur nouveau commandant : Koutouzov. Chaque décision du personnage principal est ensuite illustrée par de grands tableaux guerriers, explicités par des intertitres qui permettent de comprendre précisément les résultats de l’opération menée. Cette mise en scène offre un récit de guerre précis de la campagne de Russie, d’août à décembre 1812, du point de vue des opposants à l’armée de Napoléon. Ce dernier est également mis en scène. A l’instar de l’interprète du commandant Koutouzov, les traits de l’acteur se confondent avec ceux des représentations picturales. Ces ressemblances sont troublantes et amorcent une interrogation inhérente au film historique : aussi réalistes soient-ils, dans quelle mesure le jeu des acteurs, la mise en scène et le choix des faits historiques sont-ils la traduction de l’Histoire ? Quelle est la part d’interprétation du cinéaste ou de sa production ?
Une partie d’échec entre titans
Le montage parallèle des deux chefs des armées mes en exergue l’enjeu du récit : leur opposition et la nécessité pour chacun d’être vainqueur. Ce montage donne l’impression d’un jeu d’échec, chacun manœuvre à son tour et chaque chef est présenté en position calme et souvent réflexive. Il s’agit de deux titans qui s’affrontent, tous deux étant respectés par une mise en scène élégante. Les plans fixes présentent des commandants au travail, toujours en tenue militaire rappelant les portraits picturaux de l’époque. Les décors sont sobres pour ne pas faire d’ombre aux personnages ni à la pensée, les regards des interprètes sont profonds et intenses, un calme latent règne et les propos sont mesurés malgré la bataille qui fait rage. Cette élégance laisse toute la place au récit de la guerre et met en valeur chacun des joueurs de cette partie d’échec de haute volée.
Le film se clôt avec le retrait des troupes françaises épuisées, affamées, assaillies sans relâche par les russes. Napoléon clôt le film en reconnaissant son erreur d’avoir entamé la campagne de Russie. Le récit déroule des faits historiques avérés et la sobriété de la mise en scène, l’excellence de l’interprétation, donnent un grand crédit au film d’un point de vue historique. En revanche, il est peut-être nécessaire de rappeler que le point de vue est placé au côté de l’armée russe et précisément de Koutouzov dont le film érige un portrait victorieux.
Lucie Bonvin
Fiche Technique
Titre : Kutuzov
Année : 1944
Langue : Russe, sous-titré français
Durée : 102 minutes
Réalisatrice : Vladimir Petrov
Image : Mikhail Gindin
Productions : Mosfilm