Dès le 24 février – Ce mois-ci, Allindì accueille deux films faisant partie des premiers travaux de deux cinéastes corses d’une même génération. Sont à l’honneur Stridura de Ange Leccia (1980) et Dolce vendetta de Marie Jeanne Tomasi (1988). Deux regards singuliers s’expriment, l’un à travers la technique et la métaphore, l’autre grâce à la narration et la manipulation de codes cinématographiques. Alors que le jeune Ange Leccia crie l’absurdité comme pour expulser une rage, Marie Jeanne Tomasi se paie une douce vengeance sur la société patriarcale de son époque.
voir le film Dolce Vendetta sur Allindì
Dolce vendetta hérite de Santu Nicoli (Pierre Cangioni, 1982), programmé en décembre dernier sur Allindì, et propose un regard critique sur la société corse par le biais d’une histoire de vendetta en langues corse et française. L’année de sa sortie, le film est récompensé d’une « mention spéciale du jury » par le festival « tous court ».
Marie Jeanne Tomasi met en scène une situation dramaturgique d’apparence ordinaire : la vie d’un couple est mise en péril par l’un des deux protagonistes. Dans Dolce vendetta, le personnage féminin sert un personnage masculin dont les traits patriarcaux sont mis en exergue. Elle s’occupe des enfants, des repas, tient la maison, attend. Lui chasse, joue aux cartes, bois, met les pieds sous la table pour se faire servir par sa femme et dort paisiblement. La fiction s’installe dans le point de vue du personnage féminin qui, se sentant mal aimé et peu considéré, fomente une vengeance à la fois drôle et sadique.
Dans une Corse rurale de la fin des années 80, les clichés sont rassemblés ; à la fois pour faire rire mais aussi pour stimuler le regard critique. Le long du film, sous la couche feutrée d’un décor intérieur agréable et entretenu, sous le doux grain de la pellicule et ses couleurs chaleureuses, les stéréotypes de la femme au foyer et de l’épouse délaissée s’épaississent. À l’instar d’un film à sketch, les situations affligeantes se multiplient pour pousser la jeune femme à bout. La cinéaste joue avec les codes des films de vengeance – le possible amant, les couteaux, le fusil – et les atours masculins, pour proposer une toute autre vendetta. En somme, Dolce vendetta, c’est aussi la douce vengeance d’une cinéaste corse sur la société patriarcale de l’époque.
Lucie Bonvin
Fiche Technique
Titre : Dolce Vendetta
Année : 1988
Langue : Corse / Français
Durée : 26 minutes
Réalisatrice : Marie-Jeanne Tomasi
Image : Michel Tomasi
Montage : Patrick Houdot
Productions : R.N. 7